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L’Expédition Synopsis

Cher·e·s explorateurs et aventurières littéraires, bienvenue à bord de l’expédition !

Ce blog est né pour que je puisse partager avec vous un défi que j’ai commencé dans mon coin, mais qui est bien plus sympathique depuis qu’il est participatif : lire un livre par pays du monde.

J’aime la lecture (ah bon) et les pérégrinations à l’étranger (trop fou), alors pour allier les deux au quotidien, rien de mieux que de partir explorer d’autres pays grâce aux livres. Biberonnée au volontariat et aux séjours Erasmus + (oh oui, vous allez en entendre parler), je suis convaincue que les expériences interculturelles font partie des plus belles manières de se découvrir, soi et les autres. Donc à défaut d’une bonne immersion à l’étranger, je me dis qu’une plongée dans des pages peut permettre d’inviter le voyage à la maison !

Mon but, donc : vous emmener avec moi d’un livre à l’autre, tout en vous laissant me suggérer l’escale suivante !

Je trimballe avec moi un carnet dans lequel j’accumule des envies de lectures, des références conseillées par des proches ou des libraires… L’ouvrir pour choisir une référence est aussi réjouissant que désespérant : je n’aurai jamais assez d’une vie pour tout lire mais wow, quelle magnifique liste. Alors quitte à s’engager à fond dans cette cause perdue, allez-y, partagez-moi vos bibliothèques, faites pleuvoir vos recommandations personnelles pour prendre part à l’expédition !

Envoyer mes conseils de lecture à l’Expédition Synopsis

L’Expédition Synopsis, c’est aussi un moyen d’introduire plus de diversité dans mes étagères, où règnent encore en maîtres les auteurs français, anglo-saxons et russes. L’objectif : plus de continents, plus de genres littéraires, plus de genres tout court.

Les règles à bord :

  • Pour choisir les destinations littéraires, je me base sur la liste des 197 Etats reconnus par l’ONU.
  • Autant que possible, l’auteur·e doit être de la nationalité du pays en question et l’intrigue/récit doit s’y dérouler. Mais c’est parfois compliqué de réunir ces conditions, surtout quand on prend en compte le point suivant !
  • Je n’évoque que des livres disponibles en français, anglais ou espagnol car ce sont les langues que je peux lire. Cette contrainte restreint malheureusement mes possibilités de découverte, d’autant que bon nombre d’écrivain·e·s ne sont pas traduit·e·s dans ces langues. Mais elle laisse tout de même pas mal de choix ! Merci d’y penser si vous avez des recommandations à m’envoyer ! Vous pouvez aussi tenter de m’envoyer des références en polonais, mais dans ce cas merci de vous limiter aux albums jeunesse d’éveil à la lecture, je pense que mon niveau se tient à peu près là.
  • Les classiques ne sont pas mis de côté, ni les petits livres inconnus ! J’aimerais essayer au maximum de panacher les incontournables et les découvertes planquées au fond des bibliothèques. En tout cas, le but n’est pas de proposer une anthologie de la littérature de chaque pays du globe, mais bien de vous faire part sans prétention de mes aventures livresques 🙂
  • Mes étagères sont principalement remplies de romans et de bandes dessinées, donc vos conseils en recueils de poésies, essais, biographies, etc. sont tout à fait les bienvenus !

Autrement, quelques infos diverses sur moi pour faire connaissance :

  • Je suis une Normande installée en Bretagne qui partage désormais sa vie entre virées à la mer et dégustations de galettes-saucisses
  • Historienne de formation, mes recherches de master m’ont conduite à étudier des pirates des Caraïbes qui se sont reconvertis en bûcherons, à l’affût d’un bois utilisé pour teindre des tissus… Le sujet m’a passionnée, et je garde toujours dans un coin de ma tête la folle envie de réaliser un super podcast immersif sur le sujet qui m’emmènerait sur leurs traces, au Belize
  • Les avis de grand froid, les températures négatives et les aurores boréales me font rêver. C’est ce qui m’a conduite à travailler en tant que saisonnière en Finlande, pendant un hiver. Des centaines de touristes me connaissent donc uniquement sous le doux nom de Cinnamon, lutine du père Noël.

Bonne exploration et bonne lecture !

Emeline

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Samoa

J’avais vraiment hâte de faire une escale littéraire aux Samoa ! Les îles du Pacifique me fascinent, et celles-ci sont vraiment en plein cœur de l’océan…

Ma lecture m’a donc poussée à faire quelques recherches pour explorer un peu ce territoire que je ne connais que très peu. Les Samoa, donc : six îlots déserts, quatre îles peuplées par un peu plus de 190 000 personnes, et cinq îles voisines qui forment les Samoa américaines et sont administrées par les Etats-Unis. Entre ces deux entités se faufile la ligne de changement de date, qui traverse virtuellement l’océan du Nord au Sud. Au cours de leur histoire, les Samoa ont slalomé d’un côté puis de l’autre de la ligne, selon les partenariats commerciaux du moment. Elles règlent désormais leur réveil à la même heure que l’Australie et la Nouvelle-Zélande, où les Samoans sont nombreux à étudier et travailler.

A un peu moins de 500 kilomètres à l’ouest, Wallis et Futuna. Plus au sud, les Fidji, Tonga, Niué. A 2400 kilomètres à l’Est, la Polynésie française. Nous voilà donc vraiment au beau milieu du Pacifique ! Colonie allemande puis sous protectorat néo-zélandais, l’archipel regagne son indépendance en 1962 grâce au mouvement Mau, qui fait des Samoa les premières îles du Pacifique a obtenir leur pleine autonomie. Aujourd’hui, c’est Naomi Mata’afa qui est au pouvoir en tant que première ministre (et première femme à occuper ce poste dans l’histoire des Samoa). J’ai lu que lors de son investiture en 2021, elle avait dû prêter serment dans les jardins du Parlement – et non dans ledit Parlement, puisque son prédécesseur ne voulait pas lui laisser la place.

La petite fille dans le cercle de la lune, Sia Figiel

Qui mieux que Samoana pour m’emmener découvrir les Samoa ? Elle a dix ans, elle vit au village de Malaefou, et elle me livre toutes ses pensées au fil de son quotidien. Dès la première page, elle partage l’une de ses rédactions d’anglais – elle se fait comprendre, mais elle a l’air de mieux s’exprimer en samoan, l’autre langue officielle de son pays. Je la laisse me guider, me faire découvrir son monde, sa culture. Elle m’emmène participer aux discussions en cercle sous l’arbre à pain, avec ses amies. Ca parle des garçons, des cousins qui sont en Nouvelle-Zélande, des filles qui tombent enceintes et des mères en colère. J’essaie de suivre les conversations comme je peux, mais cette immersion dans les îles me plonge en plein choc culturel littéraire. Samoana parle parfois beaucoup samoan avec ses proches, alors j’essaie de deviner les discussions, les contextes. Plus je passe de temps avec elle, plus je mémorise de mots, mieux je comprends ce qu’elle me dit. Alofa, c’est l’amour. Le fale c’est la maison. Palagi, c’est l’étranger.

Pas besoin de parler en revanche pour comprendre que la violence qui règne dans chaque fale, est coutumière et acceptée. Ana décrit les voisins qui s’amassent derrière les stores pour assister à la raclée du jour. Mais Ana rigole aussi, elle joue, elle trouve que les Barbie d’Alison (la palagi du village) sont complètement débiles. Elle va à la messe, elle écrit des lettres d’amour qu’elle n’envoie pas au bad boy du village. Ses jours préférés sont ceux des tournois de cricket et du Dimanche blanc, le jour des enfants célébré en octobre un peu partout dans le Pacifique.

Pas d’eaux bleu turquoise et de fruits exotiques dans ce voyage. Quand Ana et ses copines me parlent du lagon, c’est pour expliquer pourquoi Talalelei ne veut plus se baigner, et pourquoi elle a peur des requins, et aussi pourquoi elle n’a qu’une jambe. La seule fois où Ana m’emmène traîner sur la plage, c’est pour vivre un moment qu’aucune petite fille de dix ans ne devrait vivre.

J’ai adoré cette escale sans fards, succession de chapitres courts qui se lisent vite. Je suis toujours pleine d’admiration pour les auteur·es qui parviennent à replonger dans l’esprit d’un enfant et à le retranscrire. Dans ce livre, il y a les préoccupations hyper futiles d’Ana qui cohabitent avec sa vision des traditions et de la vie en communauté, le tout entrecoupé de pages d’une grande poésie lorsqu’elle laisse vagabonder son esprit ou raconte ses rêves. Je n’ai pas mangé de poisson mariné, je n’ai pas vu de cascades et j’ai un peu peur de faire un faux pas devant le chef du village, mais j’ai très envie d’aller visiter les Samoa pour de vrai, désormais.

« Personne ne nous entend.

Faire la vaisselle. Torcher les bébés. Porter nos sœurs sur les hanches. Porter nos frères sur les hanches. Nos cousins. Neveux. Nièces.

On ramasse les feuilles d’arbre à pain quand on se réveille. Les feuilles d’arbre à pain et les feuilles de manguier. Les mégots de cigarettes. Et les bouteilles de bière. Avant d’aller à l’école. Après être rentrées de l’école.

Quand on ricane, à l’église, les femmes nous regardent avec ce regard qui dit : A la sortie de l’église, je t’attrape ! Et on attend ça. La sortie de l’église, bien sûr. Pour pouvoir déguerpir.

Mais on s’aperçoit bien vite qu’on a déguerpi pour rien. Et que nos mères ont appris notre « mauvaise conduite » par la mère de quelqu’un d’autre. Et elles nous tirent les cheveux et « se forcent » à nous crier des obscénités. En cette journée de sabbat et de repos que Dieu nous accorde.

[…] On s’assied en cercle et on écoute la nuit. Quand la lumière est éteinte. Après la chorale. Après que la lune a fait le tour du pulu. Pour aller se cacher derrière les feuilles. Derrière un nuage. Une constellation. C’est là qu’on reste assises, ou allongées, ou assises. Pour écouter les voix invisibles qui nous entourent. Pour écouter aussi nos propres voix. Disparaître dans les yeux des chiens comme des étoiles qui scintillent. »

Brésil

Savez-vous d’où ce grand pays d’Amérique du Sud tire son nom ? Du bois rouge orangé, couleur de braise, que les Européens furent surpris de trouver en abondance en débarquant sur ses terres, à l’époque des Grandes Découvertes. Ce bois, surnommé bois de brésil, était notamment utilisé pour ses propriétés tinctoriales. Pour une fois que je peux ressortir quelque chose d’appris pendant la rédaction de mon mémoire, j’en profite. Le bois et la teinture au XVIIe siècle, un thème pas très simple à caser dans les conversations du quotidien…!

Les mille talents d’Eurídice Gusmão, Martha Batalha

Pour notre escale brésilienne, voilà un roman haut en couleurs (du dedans comme du dehors), drôle, doux et piquant à la fois. Le titre original se traduit plutôt par La vie invisible d’Eurídice Gusmão. L’histoire se passe dans les années 60 à Rio, et nous emmène à la rencontre d’Eurídice. Cette femme talentueuse est enfermée dans un mariage traditionnel, qui l’oblige à se contenter de s’occuper de son foyer sans faire de vagues. A chaque fois qu’elle tente d’explorer et d’exploiter une passion, son mari la rappelle à l’ordre… Mais Eurídice revient à la charge pour tenter de vivre comme bon lui semble ! Avec elle, c’est toute une série de personnages qui donnent du relief au roman : sa sœur, la voisine, le libraire…

L’histoire est simple, mais l’écriture est lumineuse et subtile. Eurídice est attachante, elle bataille pour donner du sens à un quotidien qu’elle trouve morne. A certaines pages, j’avais bien envie de l’encourager à haute voix (you go, girl !). Ça se lit vite, ça nous embarque facilement, ce n’est pas simpliste pour autant : un livre sympathique et rythmé qui va éclabousser de couleur la bibliothèque, comme un joli rayon de soleil !

Parce que figurez-vous qu’Eurídice était une femme brillante. Si on lui avait donné des calculs compliqués, elle aurait conçu des ponts. Si on lui avait donné un laboratoire, elle aurait créé des vaccins. Si on lui avait donné des pages blanches, elle aurait écrit des classiques. Mais on lui donnait des culottes sales, qu’elle lavait aussi vite que bien, avant de s’asseoir sur le sofa, de regarder ses ongles et de se demander à quoi elle aurait bien pu penser.

Finlande

Ciel constellé d’étoiles, neige à perte de vue et aurores boréales : la sélection finlandaise de l’expédition Synopsis ne va pas franchement sortir de l’image d’Epinal, soyons honnêtes… Ou alors juste un petit peu ! Mais j’avais quand même envie de vous partager ces trois bouquins très chouettes.

Bienvenue à Rovaniemi, Jari Tervo

Ah, Rovaniemi… Son village du père Noël, ses rues enneigées, ses chocolats chauds… Et sa mafia ! Massepain Räikkönen, grand nom de la pègre locale, a été assassiné. Que s’est-il vraiment passé le matin de sa mort ? Tout le monde compte bien donner son avis sur la question, et c’est comme ça que se présente l’intrigue : cette enquête est découpée en une multitude de chapitres, chacun présentant le point de vue d’un personnage. L’originalité et le comique du livre reposent là-dessus, car cette mosaïque de narrations râtisse très, très large, des membres de la famille à l’inspecteur de police, en passant par le pasteur et les retraités du coin.

J’ai bien aimé cette lecture à la fois vive et sombre, avec des dialogues enlevés, de l’humour noir et des scènes qui partent en roue libre.

Un rêve de renard, Minna Sundberg

Qu’elle est belle, cette bande dessinée ! Avec ses 600 pages, ses reflets argentés en couverture et ses superbes dégradés de couleurs, elle en jette vraiment plein la vue quand on la feuillette pour la première fois. A la lecture, on découvre une belle aventure dans laquelle il est facile de laisser emporter. Un jeune Finlandais et son chien se retrouvent malgré eux lancés dans une course contre la montre pour sauver leur village, alors que dans le ciel, un jeune renard maladroit et un poil présomptueux a fait une boulette (en gros, il a ouvert une brèche menant vers le pays du sommeil éternel). Les voilà donc propulsés de rêve en rêve, d’un décor à l’autre, une quête les attendant à chaque tournant. Chaque chapitre répond à une palette de teintes et à un animal symbolique.

On se promène ainsi à travers la mythologie finlandaise et il y a de très belles annexes à la fin pour en apprendre plus. Moi qui me souviens plutôt bien de mes rêves et adore les raconter – avec toute la frustration que ça peut engendrer quand on n’arrive pas à retranscrire une ambiance, j’ai été bluffée par la capacité de l’autrice à mettre sur papier ces sensations propres aux rêves !

C’est vraiment une belle histoire à lire bien au chaud sous les couvertures, parfaite pour un mois de janvier où les nuits sont longues.

Il pleut des étoiles dans notre lit : Cinq poètes du Grand Nord

Je lis très peu de poésie, alors vous n’en verrez certainement pas beaucoup par ici. Mais ce recueil-là, qui rassemble cinq poètes sous un si beau titre, me parle un peu plus. Parmi les cinq, on peut lire quelques poèmes de Pentti Holappa, écrivain finlandais qui a aussi été ministre de la culture pendant quelques mois en 1972. J’aurais bien du mal à vous en parler, alors voilà ci-dessous un extrait de Poème de Noël 95, auquel l’ouvrage doit son titre. Et n’hésitez pas à me recommander des poètes des quatre coins du monde !

Le bonheur est éphémère, mais il renaît sans cesse.

On enterre les déceptions, et l’illusion repousse.

Elle fleurira demain.

Dans mon coeur je fais pousser pour toi

des tulipes, des jacinthes, des flammes de bougie

pour toi, qui es un million.

Le coeur est un symbole, la fleur ne l’est pas elle est faite de chair vivante.

Tu la touches et tu es réel. Tant d’existences qui sont les tiennes.

Les draps purs pour un soir de fête je les ai ouverts pour toi.

Il pleut des étoiles dans notre lit, cependant que nous sommeillons.

Kenya

Si vous écriviez à une personne du monde que vous trouvez inspirante, à qui votre lettre serait-elle adressée ?

Pendant longtemps, je n’ai pas trop su quoi répondre à cette question. Et puis ces temps-ci, je lis ça :

Un chouette livre, aussi beau à lire qu’à regarder, sur les grands mouvements qui ont fondé l’écoféminisme et sur les différents concepts qui en constituent la base. Cette lecture m’a rappelé le jour où j’ai trouvé la personne inspirante à qui écrire une lettre pour lui adresser ma reconnaissance.

Wangari Maathai, Celle qui plante les arbres

Wangari Muta Maathai est une biologiste et militante politique kenyane (pour ne choisir que deux de ses casquettes) dont l’incroyable parcours lui a valu d’être de nombreuses fois la première femme d’Afrique de l’Est (voire d’Afrique tout court) à accomplir quelque chose. Après avoir étudié aux Etats-Unis et en Allemagne, elle revient à Nairobi enseigner à l’université. Dans son autobiographie, elle décrit sa lutte contre la corruption et pour défendre les valeurs démocratiques – elle sera emprisonnée plusieurs fois au cours de sa vie, et deviendra députée et ministre de l’environnement.

Surtout, et c’est ce qui donne son titre à ce livre, Wangari Muta Maathai raconte comment elle a fondé le Green Belt Movement, le Mouvement de la Ceinture Verte, en 1977. L’objectif : lutter contre la déforestation et donner du pouvoir aux femmes par la même occasion, en leur proposant de planter des arbres en bordure des villages et d’assurer la gestion de ces pépinières. Les forêts kenyanes ont été largement arrachées à cette période, notamment à cause de l’explosion des productions de thé et de café. Moins d’arbres, c’est notamment moins de petit bois pour cuisiner, et la collecte de combustible est une tâche qui incombe aux femmes. Mettre la reforestation entre les mains des Kenyanes est donc un moyen pour elles de gagner en autonomie et en indépendance, puisque le programme dans son ensemble leur permet aussi d’être formées (et là bien sûr, je n’en décris qu’un aspect !).

Le cercle vertueux du Green Belt Movement est décrit dans son ensemble tout au long du livre, tant du côté environnemental – lutte contre l’érosion des sols, distribution des graines, etc.- que social – dialogue dans les villages pour installer les pépinières, éducation et formation, etc. J’ai trouvé la lecture passionnante et surtout, tellement inspirante ! J’ai beaucoup aimé le ton de Wangari Muta Maathai.

Quand j’ai refermé le livre, on était début 2012. Mon cœur était gonflé de gratitude, la lecture m’avait mis la flamme à l’œil et une furieuse envie de lutter au ventre. Et bien sûr, j’éprouvais un irrépressible besoin d’en faire part à la principale intéressée en lui écrivant une lettre ! J’avais bien conscience que je ne serais qu’une goutte de reconnaissance dans un océan de distinctions décernées partout dans le monde, évidemment.

Je me souviens m’être un peu ruée sur l’ordi pour aller regarder la page Wikipédia de l’auteure, pour me renseigner sur l’adresse de sa fondation. C’est comme ça que j’ai appris que Wangari Muta Maathai était décédée à peine quelques mois auparavant, des suites d’un cancer… Intègre et militante jusque dans sa mort, puisqu’elle a demandé un cercueil de bambou, pour épargner à un arbre d’être abattu.

Alors dès que nous y pensons, adressons notre gratitude aux chouettes personnes qui nous inspirent, qu’elles soient dans notre entourage ou prix Nobel de la paix ! (ou les deux, si applicable pour vous)

Les arbres ont tenu une place essentielle dans ma vie et ils m’ont appris bien des leçons. Chaque arbre est le symbole vivant de la paix et de l’espoir. Avec ses racines profondément ancrées dans la terre et ses branches qui s’élancent vers le ciel, il nous dit que pour aspirer à aller toujours plus haut, nous aussi nous devons être bien enracinés au sol car, aussi haut que nous nous élancions, c’est toujours dans nos racines que nous puisons notre force.

Allemagne

Franchement, on ne peut pas dire que je sois très bonne élève avec les grands noms de la littérature allemande. Thomas Mann, Hermann Hesse, Günter Grass, Goethe, ça vous inspire ? Bienvenue dans cet article qui ne parle pas d’eux… Pour le moment en tout cas !

A l’ouest, rien de nouveau figure en troisième place dans le carnet que j’ai commencé au lycée, celui qui recense tous les livres que je veux lire. C’est dire si je traîne la patte, car je n’ai toujours pas pris le temps de m’y plonger, et pourtant voilà maintenant plus de dix ans que les pages du carnet noircissent, noircissent et que le catalogue s’étoffe (et je n’ose pas trop compter combien de titres y sont écrits maintenant, mais plus de 400, c’est certain…).

C’est donc avec deux ouvrages que je vous propose d’aborder l’Allemagne, deux fictions très connues que j’ai adoré lire (… je viens de réaliser qu’il faut aussi compter la liste de BD, qui démarre depuis la fin du carnet) mais si vous avez des suggestions, classiques ou non, (après, j’en ai lu pas mal dans la liste hein, sinon à quoi bon noter plein de titres), elles seront vraiment (il y a aussi une autre liste dédiée aux albums jeunesse), vraiment les bienvenues pour (d’ailleurs j’en profite pour vous remercier, car c’est le deuxième article de ce blog, et j’ai déjà reçu de belles recommandations. Merci beaucoup) m’aider à…(ça va aller là on a assez je pense) étoffer ma liste (OH, COME ON).

Le Goût des pépins de pomme, Katharina Hagena (2008)

Ce livre n’est pas passé inaperçu lors de sa parution et a rencontré un franc succès dans pas mal de pays, donc vous ne ferez peut-être pas de grande découverte ici. J’adore les histoires qui font intervenir plusieurs générations de femmes et l’héritage qu’elles se transmettent (cœur sur vous Sofi Oksanen et Carole Martinez). On est en plein dedans ici, puisqu’à la mort de sa grand-mère, Iris vient vivre quelque temps dans la maison familiale dont elle a hérité. Elle met alors en pause sa vie de citadine fribourgeoise pour le village de Boothsaven, partant à la cueillette aux souvenirs et aux secrets de famille.

Tout est réuni dans ce livre pour en faire une lecture agréable : une écriture poétique mais efficace, des intrigues et des non-dits évoqués sans mélo, qui ont nourri mes réflexions sur la mémoire familiale et le rapport des histoires à l’Histoire. C’est aussi l’oubli qui est abordé avec ces questions, alors qu’Iris évoque sa grand-mère et l’amnésie qui gagnait du terrain à la fin de sa vie.

Et puis il y a ce pommier, qui donne son titre au livre et vient lier les trois générations. J’ai beaucoup aimé lire les pages qui décrivent les moments que passe Iris dans le jardin de sa grand-mère. Ce jardin et ses plantes qui sont comme une extension de cette famille allemande, chaque fruit ou feuille semblant réagir aux drames et joies qui en traversent les membres.

« La mort survint un jour de juillet, en fin d’après-midi. Et l’instant d’après, quand Bertha, la sœur cadette d’Anna, se précipita en larmes dans le jardin, elle constata qu’avec le dernier souffle rauque d’Anna toutes les groseilles rouges étaient devenues blanches. C’était un grand jardin, les nombreux vieux groseillers ployaient sous les lourdes grappes. Elles auraient dû être cueillies depuis longtemps mais lorsque Anna était tombée malade, personne n’avait plus songé aux baies. Ma grand-mère m’en a souvent parlé car c’est elle, à l’époque, qui a découvert les groseilles endeuillées. »

« …Mais ils firent encore bien davantage, et la terre s’embrasa autour d’eux, et le pommier sous lequel ils étaient étendus se mit, bien que l’on fût déjà en juin, à bourgeonner pour la seconde fois. »

C’est typiquement le genre de folklore familial que je trouve vraiment chouette à découvrir.

Le parfum, Patrick Süskind (1985)

Vacances d’hiver 2010 : temps maussade, dents de sagesse à enlever, convalescence en vue… Mon père m’avait promis qu’avec Le parfum je ne décrocherais pas de mon bouquin, et il avait parfaitement visé ! Ce roman ne m’a pas occupée bien longtemps car il est court et que je l’ai dévoré, mais j’en ai oublié ma douleur et mes joues de hamster.

Je triche un peu, car l’intrigue se déroule en France et pas en Allemagne, mais c’est pour la bonne cause. Paris au XVIIIe siècle, un garçon né dans des conditions misérables et sans amour, et un don : un nez incroyable, qui détecte les moindres effluves et peut décortiquer toutes les odeurs. L’histoire de Jean-Baptiste Grenouille a fait le tour du monde, mais par acquis de conscience, je ne la spoile tout de même pas. On suit l’apprenti parfumeur dans ses pérégrinations à travers l’Auvergne ou encore à Grasse, alors qu’il n’a qu’une idée en tête : repousser les limites de son art en mettant absolument toutes les odeurs du monde en flacon

Quelle incroyable sensation que de sentir un parfum que l’on lit. Au-delà de l’exercice qui est bluffant, le récit en est d’autant plus immersif. Et pendant mes cours d’histoire moderne à la fac, j’ai souvent repensé à la description olfactive des rues de l’époque, si crue et si réaliste, loin des fantasmes que l’on peut avoir quand on voyage mentalement dans le temps.

Il ne se montrait pas difficile dans ses choix. Entre ce qu’on désigne couramment comme une bonne ou une mauvaise odeur, il ne faisait pas la distinction, pas encore. Il était goulu. L’objectif de ses chasses, c’était tout simplement de s’approprier tout ce que le monde pouvait offrir d’odeurs, et il y mettait comme seule condition que les odeurs fussent nouvelles. L’odeur d’un cheval écumant de sueur avait pour lui autant de prix que le délicat parfum vert de boutons de roses qui se gonflent, la puanteur âcre d’une punaise ne valait pas moins que les effluves d’un rôti de veau farci, embaumant depuis les cuisines de quelque notable. Tout, il dévorait tout, il absorbait tout.

Connaissez-vous d’autres livres qui proposent une expérience sensorielle de ce type ? Prête à ajouter des escales à l’expédition pour découvrir vos suggestions, partagez-les via ce formulaire !

Kirghizstan

Cap sur l’Asie centrale pour jeter l’ancre dans la montagneuse République kirghize.

Le Kirghizstan, c’est ce pays fait de plateaux et sommets qui se glisse sur la carte entre la Chine, le Kazakhstan, l’Ouzbékistan et le Tadjikistan. Il fait partie des trois Etats qui ont conservé le russe comme langue officielle après la chute de l’URSS, aux côtés de la Biélorussie et du Kazakhstan. Mais le kirghize est aussi une langue à part entière, dont la forme a changé au gré de l’histoire du pays. Basée sur l’alphabet arabe jusqu’en 1928, elle s’est ensuite écrite avec l’alphabet latin lors d’une grande campagne de latinisation des écritures menée dans toute l’URSS. C’est finalement l’alphabet cyrillique qui est utilisé depuis 1940 (puisque rebelote cette année-là, même principe qu’en 1928 mais avec le cyrillique à travers toute l’Union soviétique). Et c’est donc en kirghize qu’a pris vie Djamilia en 1958.

Djamilia, Tchinghiz Aïtmatov

Ci-dessus, une illustration subtile et professionnelle vous permettant de localiser le Kirghizstan.

Ce livre m’a fait voyager bien avant que je l’ouvre. Bien qu’il soit plutôt mince – 125 pages préface comprise -, j’ai retardé le moment où j’allais le lire, pour faire durer le plaisir d’attendre, d’imaginer à quoi allaient ressembler Djamilia et les montagnes autour de son village. Il a fini par se retrouver dans ma bibliothèque de confinement, quand j’ai dû embarquer quelques bouquins à la hâte pour filer dans mes quartiers de mars 2020. Je n’ai vraiment pas regretté mon choix. Pendant cette période où se dépayser, c’était prendre l’air dans la rue d’à côté, cette lecture très sensorielle m’a offert un vrai petit voyage depuis le canapé.

Djamilia, donc, c’est l’histoire de cette jeune femme du même nom, qui vit dans un village, un aïl, du nord ouest du Kirghizstan pendant la Seconde guerre mondiale. Son époux est parti à la guerre peu de temps après leur mariage, tandis que Djamilia est restée à l’aïl et transporte du grain vers la gare pour contribuer à l’effort de guerre soviétique. C’est avec un homme blessé au combat arrivant au village, que Djamilia va vivre « la plus belle histoire d’amour du monde » selon Louis Aragon.

« Quand Djamilia riait, ses yeux d’un noir tirant sur le bleu, en forme d’amande, s’allumaient d’une jeune ardeur, et quand elle se mettait soudain à chanter les couplets salés de l’aïl, dans ses beaux yeux apparaissait un éclair non virginal. »

Djamilia est forte, énergique et inspirante. L’histoire est simple, mais à travers elle, on parle de liberté, de mariage forcé, et en même temps on découvre comment les traditions locales se superposent au système soviétique. Ce livre m’a laissé un souvenir de chaleur sèche et de nuits glaciales, d’effort physique, d’odeurs de paille et de peau, d’un air d’été lourd et de regards tout aussi chargés de tension.

La particularité du roman, qui lui donne beaucoup de subtilité, c’est que le narrateur est le jeune frère de l’époux de Djamilia, Seït. Il nous raconte l’histoire alors qu’il est adulte, revenant ainsi des années en arrière. Les souvenirs qu’il a en mémoire sont donc ceux d’un enfant de treize ans qui voit l’amour naître sous ses yeux, qui en éprouve parfois de la jalousie, et qui ne comprend pas tout à fait ce dont il est témoin. Ce mode de récit donne beaucoup de profondeur à l’histoire et laisse de la place à la déduction.

En même temps, Seït est un artiste qui voit le monde avec une sensibilité très poétique, ce qui permet à l’auteur de nous offrir de très belles descriptions. Globalement, le livre est aussi une déclaration d’amour aux paysages kirghizes. Moi qui ne suis pas très assidue habituellement sur la lecture des préfaces, je dois dire que celle de Louis Aragon (qui a co-traduit le livre avec A. Dmitrieva) m’a complètement emportée dans la lecture, tout comme elle a dû beaucoup aider la diffusion de la version traduite du livre en 1958. Cette lecture a été l’occasion pour moi de découvrir Tchinghiz Aïtmatov, monument de la littérature kirghize que je ne connaissais pas. Avant lui, la tradition orale a longtemps primé pour transmettre les grands récits et épopées le long de cette portion de la route de la soie. Ses écrits ont donc largement contribué à faire connaître la culture de son pays.

Merci Djamilia !

Pour revenir au temps présent et découvrir l’actualité au Kirghizstan → Novastan

Pour découvrir les Jeux nomades mondiaux, qui ont été accueillis trois fois au Kirghizstan et qui rassemblent des pays d’Asie centrale autour de disciplines fascinantes mêlant fauconnerie, jeux d’osselets, lutte montée → Site officiel des World Nomad Games

Pour avoir un aperçu de l’adaptation russe de Djamilia, voilà le film qui date de 1968 → disponible sur Youtube

Et pour terminer sur une chanson kirghize de circonstance, le clip Kyz (fille) de la chanteuse et militante féministe Zere Asylbek. Le titre revendique l’égalité de genre et le respect des femmes (merci les traductions disponibles en ligne et merci le très beau clip qui aide à comprendre le contexte !) :

Prenez part au voyage !

L’Expédition Synopsis est une aventure participative !

Envoyez-moi ci-dessous vos propositions de destination en précisant bien le titre du livre, l’auteur·e et le pays concerné par le livre.